Santé mentale des artistes : quelles sont les solutions ?

Santé des artistes : quels sont les moyens déployés ?

Dans l’imaginaire collectif, la figure de l’artiste souffre de préjugés qui ont encore la peau dure : vie de bohème, succès et opportunités trépidantes pour ne citer qu’eux. Néanmoins, la réalité est tout autre : nombreux sont les maux qui tourmentent les acteurs de l’industrie musicale. Tour d’horizon des actions envisagées pour les prévenir.

 

Cesser de se bercer d’illusions

Tel un clin d’oeil complice à un enfant intérieur, il est toujours agréable de s’abreuver de belles histoires, des livres au cinéma, en passant par la musique et la vie des artistes qui la composent. Comme s’il était admis que ces derniers avaient pour destin de souffrir pour leur art, leur désespoir est parfois discrédité, s’il ne fait pas l’objet d’un fantasme biaisé à mille lieues de la réalité. En ne gardant que des morceaux choisis de l’existence des artistes, il peut arriver d’oublier qu’eux aussi, sont finalement humains et partagent les afflictions du reste du monde. Ainsi, précarité, instabilité émotionnelle, dépression, addictions ou encore troubles du sommeil sont quelques maux qui sont intimement liés à des rythmes effrénés, souvent en décalage avec le reste du monde — et donc souvent difficilement acceptés.

En témoignent des événements comme la mort d’Avicii, qui n’est pas sans rappeler le tristement célèbre « Club des 27 » regroupant Amy Winehouse, Jimi Hendrix ou encore Jim Morrison. L’artiste d’EDM était au zénith de sa carrière mais souffrait parallèlement de troubles dépressifs. Sa mort en 2018 a fait l’objet d’un documentaire Netflix et a également été commentée par les médias, qui ont essayé de démêler le vrai du faux sur la nature de son décès.

Plus qu’un fait divers, cet événement a mis une nouvelle fois en exergue la profondeur du fossé qui sépare le public et les artistes, mais aussi la mysthification encore trop présente liée à cet imaginaire. En tant qu’artiste, il est compliqué voire impossible de se faire entendre, entre le manque de crédit alloué à la souffrance qu’ils peuvent éprouver et les retombées marketing et médiatiques que celle-ci entraîne.

Renouer les artistes au reste du monde

Afin de prendre le problème à bras le corps, il est nécessaire de se détacher de l’image fantasmée de la vie d’artiste. En effet, briser le silence et faire preuve de pragmatisme reste une des premières étapes de la prévention.

« Comment faire pour ne pas être le prochain Avicii ? » est une question posée par le collectif français CURA. Déplorant la timidité des aides médico-psychologiques au coeur de la sphère musicale, le collectif a souhaité délier les langues. Fondée en 2019 par une auteure-interprète, une naturopathe, un journaliste et un producteur/musicien, l’association est mue par la volonté d’améliorer le quotidien et le bien-être des artistes musicaux. En mettant en exergue le manque d’accès aux aides, CURA souhaite mettre un trait d’union entre artistes et professionnels de santé.

Dans le cadre de leur projet, le collectif a mené une étude entre mai et septembre 2019, portant sur la santé mentale et physique et regroupe les réponses de plus de 500 artistes :

  • 51% de femmes pour 49% d’hommes composent les  métiers de l’industrie musicale ;
  • 4 individus sur 5 ont déclaré souffrir d’anxiété ou d’un état de déprime ;
  • Parmi les femmes, 31% d’entre elles ont déclaré avoir subi au moins un harcèlement sexuel ;
  • 58% estiment rencontrer régulièrement des conflits entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle ;
  • Seulement 6% déclarent ne rencontrer aucune difficulté pour faire garder leurs enfants ;
  • 4 individus sur 5 souffrent de troubles du sommeil ;
  • 1 personne sur 2 souffre de problèmes auditifs.

Si ces chiffres ne sont qu’un échantillon du spectre des écueils rencontrés, les obstacles peuvent aussi se présenter entre l’artiste et son environnement. En effet, 80% des répondants admettent ressentir une sensation de décalage entre leur rythme de vie et celui de leur entourage.

Un guide de soutien

C’est un fait, les artistes musicaux sont plus exposés à la dépression et à l’anxiété : tel est le résultat d’une étude réalisée par l’university of Westminster. Alors que la pression de devoir tout maîtriser est énorme, être sur tous les fronts implique parfois un sentiment d’isolement.

En outre, les différences de rythmes de travail (tournée, répétitions, production…) ne sont pas forcément compatibles avec la nature des aides proposées. En partant de ce constat, le MITC (Music Industry Therapist Collective), un groupe de psychothérapeutes ayant tous une expérience dans l’industrie musicale, s’est penché sur l’élaboration d’un manuel de survie pour préserver sa santé mentale en tournée. En 300 pages, le manuel donnera les clés pour faire face à l’éloignement des proches lors des tournées, mais aussi aux difficultés rencontrées dans la vie intime ou encore à l’anxiété propre aux lives. Il abordera également les addictions rencontrées par les artistes, les maux tels que le burn-out ou la dépression post-tournée. Ce manuel pourrait donc devenir une bible à emporter partout avec soi contre les difficultés rencontrées à toutes les étapes de la vie d’artiste.

Le pouvoir de la parole

Si la lecture peut être d’un soutien énorme, la présence d’un spécialiste s’avère tout aussi réconfortante. En effet, il est tout à fait compréhensible d’avoir besoin de se livrer à un thérapeute et entamer un suivi régulier lorsque cela est possible. La plupart du temps, les managers n’offrent très souvent pas la disponibilité escomptée : même s’ils sont des acteurs clés dans le bien-être de l’artiste et qu’ils peuvent proposer des solutions, le problème peut parfois nécessiter un suivi psychologique de fond. Dans cette optique, certaines cliniques se sont spécialisées dans le suivi des musiciens et professionnels de l’industrie musicale. La Clinique du Musicien, basée à Paris, propose des consultations pluridisciplinaires, afin de prendre en charge les problèmes de santé, physiques ou psychologiques. L’émergence de tels programmes reste de bon augure pour l’avenir, même s’il est nécessaire de continuer à oeuvrer pour la prévention, au regard de l’absurdité de certains rythmes imposé aux artistes.

Enfin, il est toujours possible d’envisager un suivi psychologique en s’adressant à un CMP (Centre Médico-Psychologique). Ces centres ont l’avantage de proposer une prise en charge à moindre coût et d’être présents dans toute la France métropolitaine. Si les aides médico-psychologiques dédiées aux artistes en sont encore à leurs balbutiements, le journalisme et la vidéo peuvent faire office de thérapie pour l’objet de l’interview mais aussi sur un spectre plus large, en permettant de lever le voile sur les difficultés rencontrées. En 2017, le producteur Shkyd publiait sur YARD un article intitulé « La santé mentale : succès dans le rap américain, silence dans le rap français ». Récompensé au Reeperbahn Festival d’un prix de journalisme, le papier ouvre la voie vers de nouvelles solutions.

Photo © Camila Quintero Franco
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