La révolution électronique soviétique : de Riga à Moscou

Quoi qu’on en dise, les musiques électroniques sont désormais bien ancrées dans le paysage culturel européen. Grâce à des villes comme Amsterdam, Berlin, Londres et d’un certain point de vue, Paris, ce qui était auparavant une contre-culture est aujourd’hui l’un des styles les plus écoutés au monde.

Son histoire, chaque fan la connaît : née dans les rues de détroit et mise sur le devant de la scène par des noms comme Juan Atkins, Kevin Saunderson ou encore Derrick May, elle connaît une exposition forte lors de la chute du mur de Berlin. En réunissant l’est et l’ouest, l’Allemagne découvre ce style et deviendra un point d’orgue pour la diffusion de ce style. Peu à peu, l’underground laisse place à la popularisation du style qui réunit désormais près de 350 millions de fans. Seulement, cette histoire reste celle de son apparition en Europe. D’autres pays restent des fiefs de culture électronique tout en ayant une origine totalement différente. C’est notamment le cas de la Russie (encore URSS à l’époque) qui possède une histoire et une culture des musiques électroniques qui lui est propre.

L’OUBLIÉ DE L’HISTOIRE

Un homme, oublié de l’histoire, est à l’origine du développement de cette culture électronique. Il se nomme Indulis Bilzens et c’est cet homme qui a permis le développement de la culture rave en URSS. Né en 1940 à Riga et élevé en Allemagne de l’ouest, il participera dans les années 80 à l’avènement de cette culture Techno. Il participe à la création du label mythique Low Spirit, très proche de la Love Parade dont il posera les fondements. Indulis y rencontra le pionnier de la Techno WestBam et en 1989, décide d’organiser sa venue en Lettonie. Grâce à cette invitation, Westbam introduisa la musique électronique aux Lettons (et au bloc soviétique), qui l’adoptèrent immédiatement. Son histoire est racontée au travers du film « Era Of Dance », de Viktors Buda, qui revient sur cette révolution techno soviétique. Grâce à des témoignages de Derrick May ou Westbam, le producteur offre enfin de la visibilité sur cette histoire trop méconnue du public Russe comme Européen.

GAGARIN PARTY

Le 8 décembre 1991, arrive la signature du traité de Minsk. Il dissout le bloc soviétique et ouvre les frontières. 6 jours après, la première rave connue de Russie s’organise : la Gagarine Party. 6 jours seulement, qui ont suffit pour que deux collectifs, Block Limited et le le club Tantzpol) décident de ramener la culture Techno en Russie. Et pas n’importe où : la soirée se déroule dans le parc VDNX de Moscou, en plein musée de l’espace au pavillon Kosmos. Elle sera d’ailleurs nommée en hommage à Youri Gagarin, premier spationaute russe. Des milliers de jeunes se retrouvent autour de ce matériel aérospatial pour danser et célébrer une culture jusqu’alors inconnue. Olga Darfy raconte l’avènement de cette toute nouvelle culture rave dans son documentaire « Moi, Gagarine« , qui retrace la création et le déroulé de cette soirée mythique, point de départ d’une révolution musicale.

C’est donc le début d’une longue série de raves et autres soirées alternatives qui occuperont longtemps la scène underground de cette nouvelle Russie. Les clubs ne sont toujours pas présents, et ces lieux sont le seul endroit qui propose à tout un pan de la population d’écouter un son différent de tout ce qu’ils ont pu écouter. C’est d’ailleurs un héritage qui se perpétue encore aujourd’hui, un avant-gardisme rare qui ne se retrouve que très peu dans la culture occidentale et européenne. Pour prouver cette différence, Romain Travaillé, Thomas Gras et Manon Masset — trois réalisateurs exilés à Moscou — se sont réunis et ont créé le mini-documentaire « MoskoBeat ». En moins de 15 minutes, celui-ci résume la relation spéciale que possède la Russie avec ces musiques électroniques.

DEUX CULTURES AUX ANTIPODES

C’est d’ailleurs en cela que cette scène est si intrigante. Loin de tous les clichés sur la vie russe qui ont encore et toujours la vie dure en Europe, cette jeunesse continue d’innover et de proposer une alternative à cette Techno Berlinoise largement diffusée et qui commence à s’essouffler. Côté moscovite, on trouve encore un côté véritable, presque traditionnel. Aux commandes de cette culture se trouvent des collectifs comme Arma 17 ou Russki Attrakcion qui font revivre des lieux oubliés de la communauté. 

La célèbre chaîne de sets en streaming Boiler Room a également bien compris la puissance de cette culture moscovite et essaye de développer la visibilité de ces artistes Russes, trop peu présents sur les line-ups européens ou américains. Ils font connaître au monde des figures de proue de la techno russe grâce à des soirées à Moscou ou Saint Petersburg. Ils y ont fait joué Nikita Zabelin, Dasha Rush,  ou encore Julia Govor et ont même réalisé un court documentaire sur la vie nocturne de Russie. Preuve que la Russie possède un énorme potentiel pour devenir une des capitales mondiales de la musique électronique (si tel n’est pas déjà le cas).

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