Rencontre avec Petit Bain, l’arche de la vie culturelle parisienne
Qu’iels soient des lieux de diffusion, des artistes, des agences de production, des labels, des organisateur·rice·s d’événements,.. Depuis sa création en 1996, Technopol voue ses actions à la représentation des différent·e·s acteur·rice·s du paysage des musiques électroniques. Première interview d’une série de rencontre avec nos adhérent·e·s : plongez- vous dans l’univers de Petit Bain.
10 ans maintenant que l’arche de la vie culturelle parisienne du 13ème flotte sur la Seine. Petit Bain se transforme au fil de la journée pour accueillir des gourmand·e·s le midi et des fêtard·e·s à la tombée de la nuit. Une plaque tournante qui à su se réinventer au fil des années pour faire transparaître la diversité culturelle de notre ville. L’île bateau imaginée par le collectif d’architectes « Encore Heureux », réunit donc à la fois une salle de concert, un club et un rooftop. La programmation y est variée et sans frontières, nous on retiendra MZA, Léa Occhi, Current Value, Ascendant Vierge, Lacchesi, Laze qui sont venu·e·s nous faire danser cette année. Cet été, Petit Bain fût également le lieu d’accueil d’une Zone d’Urgence Temporaire Artistique (ZUT) à travers une programmation riche en couleurs !
Interview de Laurent Decès (directeur) et de Johannes Bourdon (programmation/location)
Pouvez-vous me raconter la création du Petit Bain ?
Laurent – Petit Bain a ouvert en 2011 et nous avons fêté nos 10 ans cet été. Au départ, le projet s’était surtout tourné vers une salle de concert et un restaurant solidaire à travers de l’insertion en plus de la dimension artistique et culturelle de faire des concerts éclectiques avec des groupes émergents. Aussi, il y avait l’idée de construire la barge de toute pièce pour que le projet nous permette d’avoir une certaine indépendance. 10 ans plus tard, la direction de Petit Bain s’est précisée, notamment avec la dimension de club que nous avons beaucoup développée. Au début un petit peu par contrainte économique parce que le modèle ne tournait pas sans. Puis, de fil en aiguille, on s’est vraiment approprié le monde de la nuit. C’est en effet un phénomène qui est important depuis au moins 10 ans maintenant à Paris et même dans le monde. La scène électro à connu un développement rapide et fait désormais partie intégrante du projet Petit Bain.
Aujourd’hui, c’est donc 90 clubs dans l’année, quasiment tous les week-ends. Beaucoup de nos soirées sont en coréalisation, mais nous en produisons davantage. Il nous semble important de mettre en avant des artistes qui font du live dans notre programmation sans oublier d’y intégrer une dimension scénographique quand les organisateur·rice·s ont des idées. Tous les combats et les luttes du 21e siècle sur les questions queer et de safes places, nous essayons de les aborder et de les intégrer à l’identité du club de Petit Bain. Je trouve que notre espace est plutôt chouette et agréable la nuit. Par exemple, nous avons décidé de ne pas mettre de fumoir dans le club puisqu’il est possible de se rendre sur le rooftop.
Durant les 10 dernières années de Petit Bain, quels ont été les tournants décisifs du lieu ?
Johannes – Il y a 2 collectifs qui nous ont marqué et qui nous ont fait grandir sur les questions du clubbing : Kindergarten et La Darude. Notre collaboration avec ces collectifs aura été déterminante pour notre image en tant que club, même si nous en faisions déjà avant.
Laurent – Il y a eu aussi vers 2014/2015, le collectif Open Space qui a été un des premiers gros collectifs à organiser des soirées avec énormément de succès et qui ont fait venir pas mal de DJ européen·ne·s et même mondiaux.
Johannes – Oui, tout à fait. C’est aussi les premiers qui ont réfléchi à l’espace du lieu et de l’avantage d’avoir 3 niveaux. Les visiteur·euse·s pouvaient déambuler parce qu’il y avait des activités qui commençaient dès le début d’après-midi, avec également des dj sets et des stands. Cela fait également partie de l’ADN de Petit Bain maintenant.
Comment vous construisez la programmation ? Quels sont les critères de choix au-delà de la dimension musicale ?
Johannes – Nous recherchons des collectifs avec qui on va pouvoir travailler sur le long terme. Avec Kindergarten, nous avons construit la soirée au fur et à mesure. Ensuite, avec les événements que nous produisons, comme disait Laurent, l’objectif est de pouvoir proposer une formule live et de ne pas rester non plus que sur l’électronique. On a également fait de nombreux concerts clubs avec des concerts de rock jusqu’à 3h du matin. Nous aimons casser les barrières de l’inconnu, en floutant les frontières entre concerts & club.
Ascendant Vierge © Ines Ziouane
Parlez-nous de votre lien avec les cultures des musiques électroniques.
Laurent – Ce sont des collectifs qui nous ont un peu mis le nez dedans, je pense par exemple à Sourdoreille que l’on connaît très bien. Ils ont fait évoluer leur média en s’intéressant de plus en plus aux cultures électroniques et ont également commencé à organiser des soirées chez nous qui s’appelaient Sourdoreille présente ! La particularité de ces soirées était la programmation vraiment pointue et des dj sets de 3h/4h. C’est quelque chose d’assez original que certain·e·s artistes acceptent de faire. C’est donc grâce à ce type de relation que l’on a vraiment réalisé que ce serait dommage de passer à côté de tout ce foisonnement artistique.
Les artistes ont largement contribué à sortir du cliché de la discothèque et à vraiment aller vers un propos artistique. Aujourd’hui, ce sont eux qui contribuent vraiment à ce combat de faire reconnaître les musiques électroniques comme étant un art à part entière sous la tutelle du ministère de la Culture, même si aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas le cas. Petit Bain se veut vraiment être dans cet état d’esprit là parce que l’on est un acteur artistique et culturel et que l’on se doit à la fois de répondre à une culture qui émerge et aussi à être dans la recherche de l’intérêt artistique autour de ces artistes. Je trouve que c’est une belle direction que nous prenons et dans laquelle il reste encore beaucoup à faire.
Il existe aussi chez Petit Bain une programmation collective. Plusieurs membres de l’équipe forment ce que l’on appelle : le comité de programmation. Iels ont pour mission de programmer toute la grille de Petit Bain, des concerts au club en passant par des Hors les Murs et des résidences. Il y a 3 programmateur·rice·s et une quatrième personne qui s’occupe des actions culturelles car nous voulons tendre vers des liens plus forts entre programmation musicale et activités culturelles. Sur les cultures électroniques, cela peut être super intéressant ! Il est tout à fait envisageable de donner lieu à des ateliers pour apprendre les bases du djing, de l’enregistrement de musique, de la captation de son …
Auprès de quel type de public allez-vous adresser les actions culturelles mentionnées plus haut ?
Laurent – Ce sera très varié, on va essayer de travailler principalement avec les publics qui ne viendraient pas spontanément sur Petit Bain pour des raisons sociales et économiques ou le jeune public. Dans le 13e, on est dans un arrondissement assez particulier avec des quartiers qui relèvent de la politique de la ville donc qui sont des quartiers prioritaires avec un certain nombre de facteurs sociaux. On va aussi travailler avec des jeunes en lien avec des centres sociaux.
Quand et comment avez-vous rencontré le chemin de Technopol ?
Johannes – Personnellement, cela fait quelques années que je travaille avec Max Le Disez et nous avons aussi participé à la ZUT cet été. Concrètement, cela fait depuis 2018 que nous connaissons Technopol.
Laurent – Petit Bain est assez attaché au réseau. J’ai été élu président du SMA (syndicat des musiques actuelles) il y a un an et dans ce cadre-là, j’ai eu l’occasion de beaucoup échanger avec Tommy Vaudecrane (président du Conseil d’Administration chez Technopol) sur les politiques publiques et ce qu’on pouvait défendre de mieux pour le secteur. Il y a également beaucoup de liens entre les problématiques du monde de la nuit et celles des musiques actuelles. Petit Bain est aussi dans le réseau Fedelima des musiques actuelles, dans le réseau national des musiques du monde Zone Franche, dans les réseaux régionaux type le RIF ou Actes If (lieux intermédiaires). La présence dans ces réseaux nous permet de partager nos expériences avec d’autres professionnel·le·s. On a la chance d’être très fédérés au sein des musiques actuelles. À ce titre-là, on trouvait cela important d’adhérer à Technopol.
Pour adhérer à Technopol c’est ici !
En adhérant à Technopol, c’est un soutien essentiel que vous apportez à toutes nos actions d’accompagnement et de promotion des cultures électroniques. Mais être adhérent·e à l’association vous offre aussi plusieurs avantages : plus d’informations sur notre lien HelloAsso !
Photo de couverture © Thémis Belkhadra