Rencontre avec Elodie Vitalis, artiste et fondatrice du VĂ©nus Club đ„
Quâiels soient des lieux de diffusion, des artistes, des agences de production, des labels, des organisateur·rice·s dâĂ©vĂ©nements,.. Depuis sa crĂ©ation en 1996, Technopol voue ses actions Ă la reprĂ©sentation des diffĂ©rent·e·s acteur·rice·s du paysage des musiques Ă©lectroniques. DeuxiĂšme interview d’une sĂ©rie de rencontre avec nos adhĂ©rent·e·s : venez dĂ©couvrir l’inspirante Elodie Vitalis.Â
Elodie Vitalis aussi connue sous le nom de DJ ABS8LUTE est membre fondatrice du collectif VĂ©nus Club qui milite depuis quelques annĂ©es pour donner plus de visibilitĂ© aux femmes dans le paysage des musiques Ă©lectroniques. Ses sets oscillent entre techno mentale, techno rave et trance pour faire rebondir nos cĆurs et nos corps sur des tracks au vibrations qui dĂ©passent parfois les 140bpm. Son approche de la musique est aussi politique et mĂȘle diffĂ©rents combats sur lâinclusivitĂ© et la sĂ»retĂ© de nos espaces festifs. La nuit vecteur de lumiĂšre sur les travers des programmations masculines et souvent trĂšs blanches qui ne laissent pas toujours la place Ă celles et ceux qui ne rentrent pas dans cette charte genrĂ©e et tout sauf colorĂ©e.Â
Interview d’Elodie Vitalis, DJ et fondatrice du VĂ©nus Club.Â
Quâest-ce qui tâas donnĂ© envie de faire partie des cultures Ă©lectroniques ?
Je suis rentrĂ©e dans la musique Ă©lectronique avec la French Touch, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, quand jâavais 15 ou 16 ans. Ă l’Ă©poque, toute la scĂšne se trouvait en Ă©bullition, on entendait beaucoup parler dâEd Banger et de Justice. Câest aussi Ă ce moment-lĂ que jâai arpentĂ© les clubs pour la premiĂšre fois. Ă travers ce mouvement, jâai Ă©galement dĂ©couvert les performances DJ, l’effervescence que lâon trouve au sein du dancefloor et le monde de la nuit. Comme jâhabitais chez mes parents Ă Bordeaux, le choix des clubs Ă©tant restreint, je me suis tournĂ©e vers le 4 Sans qui avait une belle programmation. Câest grĂące Ă ce lieu et aux artistes qui sây sont produits que jâai voulu m’intĂ©resser aux musiques Ă©lectroniques et Ă ses cultures. Je dansais les nuits et diggais les jours, cela mâa fait dĂ©couvrir toute une palette de genres et de styles musicaux Ă©lectroniques qui ont forgĂ© mon identitĂ© artistique.
Quelles ont été pour toi les temps forts de ta traversée dans le monde de la musique ?
Le point de dĂ©part ayant Ă©tĂ© la French Touch, jâai par la suite eu accĂšs Ă tout un pan de la musique qui mâavait Ă©tĂ© cachĂ© jusque-lĂ . Ă lâĂ©poque, câĂ©tait aussi le tout dĂ©but des bedroom producers et de SoundCloud, jâai donc dĂ©cidĂ© de lancer mon blog oĂč je partageais mes dĂ©couvertes musicales. Il sâappelait Absolute Bassline et Ă©tait en lien avec ma chaĂźne YouTube du mĂȘme nom, qui a plutĂŽt bien marchĂ© avec environ 20 000 abonné·e·s. On peut dire que ça a Ă©tĂ© mon second temps fort. Ensuite, jâai bougĂ© Ă Paris et câest lĂ que le monde de la nuit sâest encore plus ouvert Ă moi. Ă Bordeaux, il y avait un ou deux clubs qui passaient des artistes issu·e·s des musiques Ă©lectroniques, Ă Paris, il y en a des dizaines et avec une offre plus diversifiĂ©e. Un troisiĂšme temps fort de mon Ă©popĂ©e musicale aura Ă©tĂ© mon poste en tant quâassistante chargĂ©e de communication pour le Showcase quand il a rouvert sous Savoir-faire et We Love Art. Câest lĂ -bas que jâai fait une grande partie de ma culture musicale. On pourra dire ce que lâon veut du club en lui-mĂȘme et de la frĂ©quentation, mais la programmation Ă©tait incroyable. Tous les week-ends, comme jâĂ©tais assistante comm’ lĂ -bas, je me chargeais des rĂ©seaux sociaux et de toute la promo, j’Ă©tais parfois accueil artiste donc câest comme ça que jâai dĂ©couvert Bicep, Robert Hood, … Des pionniers au plus rĂ©cents. Ăcrire pour Mixmag aura Ă©tĂ© un autre temps fort. En 2018, jâai aussi rejoint lâĂ©quipe Ă©ditoriale de la Paris Electronic Week sur la conception et lâanimation des Ă©changes. Cette opportunitĂ© m’a permis dâimpulser les sujets de safer space, dâinclusion et de paritĂ©. Enfin, cette Ă©popĂ©e musicale se termine par la crĂ©ation du collectif VĂ©nus Club. Â
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En parlant du VĂ©nus Club, peux-tu me raconter lâhistoire de sa crĂ©ation ?
Jâavais envie de me mettre Ă mixer depuis des annĂ©es, mais par soucis de lĂ©gitimitĂ© et par crainte, je nâarrivais pas Ă me lancer toute seule. Peur aussi que les gens de mon entourage dans la musique portent un jugement sur mon dĂ©sir de concrĂ©tiser mes annĂ©es de digging. Je nâavais pas lâimpression de pouvoir demander de lâaide autour de moi, quâapprendre Ă mixer devait se faire seule, que si je demandais de lâaide, câĂ©tait passer pour une faible. MalgrĂ© tout, je me suis lancĂ©e, jâai beaucoup travaillĂ© de mon cĂŽtĂ© et je me suis retrouvĂ©e toute seule dans mon salon Ă me dire que jâaimerais avoir bien des potes avec qui mixer. De lĂ , jâai postĂ© un message sur le groupe Facebook *Les Technopines, oĂč jâexplique ĂȘtre Ă la recherche de DJ sur Paris qui serait intĂ©ressĂ©es par faire des apĂ©ros mix. Ă ma grande surprise, jâai eu une centaine de rĂ©ponses positives. Jâai donc proposĂ© quâon se rencontre et quâon voit par la suite si on peut Ă©voluer ensemble. Pauline a gentiment proposĂ© sa maison pour accueillir 30 femmes pour un premier apĂ©ro mix. CâĂ©tait le 1er week-end de novembre, pile lorsque le deuxiĂšme confinement a Ă©tĂ© annoncĂ©. Grosse dĂ©ception pour toute lâĂ©quipe, mais sans pour autant abandonner l’idĂ©e de bosser ensemble. En attendant de pouvoir se rencontrer, on sâest dit que sortir des mixtapes serait un bon compromis. Avec les 20 plus motivĂ©es, on a instaurĂ© un rendez-vous en visio tous les dimanches pour monter le projet. On travaillait sur le nom du groupe, la charte graphique, les podcasts, … Et câest comme ça que le VĂ©nus Club Ă vu le jour.
*Les Technopines est un groupe Facebook qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par Lia et qui regroupe des femmes de partout en France qui aiment la techno. Tout le monde Ă©change des bons plans, des soirĂ©es techno,…
© Vénus Club
Est-ce quâil tâarrive de jouer dans des environnements qui ne revendiquent pas des combats similaires au tien ? Si oui, que ressens-tu lorsque tu sors de cette zone safe que tu as su crĂ©er avec le VĂ©nus Club et les autres collectifs similaires au tien ?
Il mâarrive de jouer dans des soirĂ©es qui ne sont pas aussi safe que peut lâĂȘtre le VĂ©nus Club et câest dans ces moments-lĂ que je rĂ©alise Ă quel point jâai de la chance. Nombre de femmes DJ ont commencĂ© sans avoir la force que peut me transmettre les VĂ©nus en Ă©tant mon safe place. Quand jâarrive dans ce type dâendroit, il mâarrive de me sentir un peu brusquĂ©e et bousculĂ©e, mais trĂšs vite, je me sens rassurĂ©e par la prĂ©sence des 2 ou 3 VĂ©nus qui m’accompagnent ou qui m’envoient un message de soutien. Aujourdâhui et grĂące Ă ma team qui me supporte, jâarrive Ă crĂ©er la safe place dont jâai besoin Ă lâintĂ©rieur de moi. Ce qui nâest pas toujours le cas des autres femmes. Certaines ont commencĂ© dans des environnements peu respectueux de leur travail, dans lesquels elles ont dĂ» se battre et oĂč se sentir rabaissĂ©s. Dans mon cas, lorsque ça mâarrive d’ĂȘtre dans des soirĂ©es qui ne prĂŽnent pas toutes nos valeurs, je me dis que je ne suis pas lĂ plus Ă plaindre.
Lors de nos soirĂ©es avec le VĂ©nus Club, on va en faire des safer spaces, car câest important et au-delĂ de ça il le faut tout simplement. Dans le cas oĂč nous travaillons en collaboration avec dâautres organisateur·rice·s, on va essayer de faire en sorte de crĂ©er un safer space avec eux. Au sein de notre Ă©quipe, il y a une team RSO qui Ă pour mission dâappliquer nos valeurs dans tous les Ă©vĂ©nements que nous produisons ou ceux qui nous accueillent. Dans la mesure du possible, on va briefer la sĂ©cu, travailler avec des associations comme Mission Hygie, mettre en place des safer walk… Câest plein de petites choses Ă organiser pour que la teuf devienne un peu plus safe.Â
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Quels sont les futurs projets pour le collectif VĂ©nus Club ?
Au sein du VĂ©nus Club, on travaille surtout sur deux axes : lâinitiation au mix et les Ă©vĂ©nements. Pour les initiations, on va travailler avec plusieurs proches qui sont Bernadette de Move Your Gambettes et Alys, une VĂ©nus qui Ă lâhabitude de donner des cours de mix. Elle en a dâailleurs donnĂ© un lors de la Paris Electronic Week. Paola, qui s’occupera des cours sur vinyles et moi de la partie plus thĂ©orique, playlisting et tracklisting. On a montĂ© notre dossier et il sera bientĂŽt envoyĂ© Ă des lieux pour pouvoir lancer nos invitations Ă partir de fĂ©vrier. Ă travers ce projet, nous voulons offrir la possibilitĂ© Ă des femmes de se former sur le long-terme, avec un suivi sur plusieurs mois. On demande un engagement de leur part, car il va falloir investir dans du matĂ©riel pour quâelles puissent s’entraĂźner en dehors des sessions.
En parallĂšle de nos Ă©vĂ©nements et des initiations au mix, on lance avec 3 VĂ©nus (Pauline, CĂ©cilia et moi) notre agence de booking, en y intĂ©grant les DJ VĂ©nus qui souhaitent que lâon sâoccupe de leur carriĂšre en booking et management. On se rend compte quâil y a de la demande, que câest une maniĂšre de contribuer Ă la paritĂ© et quâon veut le faire selon les principes de professionnalisation. Aujourdâhui dans notre milieu, si parfois il se prĂ©carise, câest par manque de professionnalisation. Câest gĂ©nial qu’il y ait plein de collectifs, nous aussi on a dĂ©marrĂ© comme ça, mais beaucoup dâentre eux ne respectent pas les rĂšgles de bases. Par exemple, les normes de sĂ©curitĂ© ou un certain nombre de contraintes administratives. Nous souhaitons que nos DJs soient rĂ©munĂ©rĂ©es en cachet et selon les minimums salariaux.
Tu es membre du conseil dâadministration au sein de Technopol depuis cette annĂ©e et adhĂ©rente depuis 4 ans. Pourquoi avoir fait le choix de rejoindre lâassociation en plus des autres projets que tu portes au quotidien ?
Une amie qui travaillait chez Technopol mâexpliquait souvent ce que lâassociation orchestrait au quotidien pour les cultures Ă©lectroniques en France. Câest de lĂ que jâai compris lâimportance et lâintĂ©rĂȘt de votre association. Câest ce qui mâa donnĂ© envie de contribuer aux combats portĂ©s par Technopol et Ă la scĂšne Ă©lectronique et au milieu en gĂ©nĂ©ral. Malheureusement, les cultures Ă©lectroniques sont souvent mal considĂ©rĂ©es par certains pouvoirs publics. On se retrouve stigmatisĂ© par le grand public Ă©galement. Pour toutes ces raisons, je trouve ça trĂšs important dâavoir des personnes qui nous reprĂ©sentent et j’ai eu envie dâen faire partie. Par la suite, jâai rejoint lâĂ©quipe Ă©ditoriale de la PEW et comme jâaime bien rĂ©flĂ©chir aux sujets qui concernent notre scĂšne pour pouvoir la faire avancer, je trouvais que câĂ©tait un bon moyen dâapporter ma pierre Ă lâĂ©difice. Aujourdâhui, en tant que membre du conseil dâadministration de Technopol, je souhaite mâassurer que les sujets de la paritĂ© et de lâinclusion soient toujours d’actualitĂ©. Par la suite, jâaimerais aussi dĂ©velopper les formations toujours dans cette optique d’initiation au mix pour les femmes principalement. Et aussi pour les jeunes qui nâont pas lâoccasion dâaller Ă la rencontre des musiques Ă©lectroniques, dans le but dĂ©mocratiser la pratique du mix ! Pour en revenir Ă lâadhĂ©sion chez Technopol, jâaimerais que les gens s’aperçoivent que vous ĂȘtes un acteur qui fĂ©dĂšre et qui engage des discussions avec les pouvoirs publics.Â
Pour adhĂ©rer Ă Technopol c’est ici !
En adhĂ©rant Ă Technopol, câest un soutien essentiel que vous apportez Ă toutes nos actions dâaccompagnement et de promotion des cultures Ă©lectroniques. Mais ĂȘtre adhĂ©rent·e Ă lâassociation vous offre aussi plusieurs avantages : plus dâinformations sur notre lien HelloAsso !
Photo crédit : Iheb Fehri