Festival Le Bon Air : un rendez-vous ajourné à juillet, + 10°C et un feu d’artifice
Le festival marseillais Le Bon Air, initialement prévu fin mai, vient d’annoncer sa reprogrammation suite à la crise sanitaire que traverse actuellement la France. La cinquième édition aura bien lieu du 12 au 14 juillet !
Festivaliers confinés, réjouissez-vous l’été sera chaud et dansant ! Si les festivals sont contraints de s’annuler les uns après les autres suite à la crise sanitaire sans précédents que nous connaissons et que les perspectives de pouvoir s’évader à l’étranger sont des plus pessimistes, le festival marseillais de musique électronique le Bon Air a annoncé mardi dernier ne pas jeter l’éponge sur sa cinquième édition. Celle-ci initialement prévue fin mai, se déroulera le 12, 13 et 14 juillet prochains ! Qu’est-ce qui changera ? «Rien, si ce n’est les dix degrés supplémentaires et un énorme feu d’artifice du 14 juillet en bonus. Nous avons réussi le challenge de reprogrammer les mêmes artistes.» nous répond Cyril Tomas-Cimmino, co-fondateur et directeur du festival et de l’agence artistique Bi-Pôle. Ce dernier, à l’occasion de l’annonce du report de l’événement phare marseillais, a accepté de répondre à nos questions pour nous permettre de cerner l’impact de la crise sur l’écosystème électronique et de comprendre les difficultés, incertitudes et enjeux auxquels doivent répondre ses acteurs dans l’urgence, pour leur survie.
Comment en tant que producteur d’événement appréhende-t-on le report ou l’annulation du festival dans un tel contexte ?
Aujourd’hui il n’y a aucun décret qui empêche que le Bon Air tienne place fin mai; puisque le Gouvernement aujourd’hui s’est positionné sur un arrêté qui interdit tout rassemblement jusqu’au 15 avril. Concrètement il s’agit d’être lucide, nous ne voyons pas comment un festival pourrait avoir lieu, et prôner des valeurs de promiscuité et d’échange social entre festivaliers en pleine crise sanitaire qui a contrario impose une distanciation sociale. Nous avons reporté le festival à mi-juillet. Nous sommes sur le même format, le même nombre de scènes, toujours à la Friche, trouver une place dans une programmation artistique déjà bien chargée. Le festival s’adapte, nous avons l’habitude de remanier le festival au fil des ans. Heureusement, nous avons pu compter sur le soutien des 50 artistes et de nombreux festivaliers.
De quelle manière avez-vous organisé ce report ? Quels artistes avez-vous reprogrammé ?
Nous étions inquiets à l’idée de reconstruire cette programmation, car juridiquement nous ne pouvons pas invoquer le cas de force majeure pour tous les contrats d’artistes signés après le 30 janvier 2020, et les artistes sont les premiers discutants car ils sont en droit de réclamer 100% de leur cachet pour les dates initiales même si elles n’étaient plus possibles. Au final nous avons un bilan exemplaire, tous se sont montrés solidaires. Certains agents même comme ceux de Laurent Garnier ou Motor City Drum Ensemble, qui sont des artistes déjà annoncés sur l’affiche depuis janvier dernier, qui nous ont demandés de ne pas créditer leurs acomptes tant que la situation ne permettrait pas de garantir la tenue du festival cet été. Nous ne pouvons qu’être touchés par cette solidarité qui est contraire aux usages et aux positions habituelles dans le secteur. C’est ça le Bon Air, un lien fort avec les artistes !
Pourquoi ne pas avoir choisi d’annuler le festival et d’attendre l’année prochaine ? Sachant que nous sommes toujours dans l’incertitude des semaines à venir, le contexte et les modalités du post-confinement, de la réouverture des frontières qui viendrait vous priver de votre public international. Comment réorganise-t-on un festival dans de si incertaines conditions ?
D’une part il faut aborder le côté budgétaire, le festival pouvait pour la première fois en 2020 trouver un équilibre financier une fois conclu. Avec les frais de report engagés, nous serons dans tous les cas déficitaires. Annuler ou reporter, nous sommes producteurs de spectacles avant tout, obligés d’y croire jusqu’au bout ! Nous avons vu passer le courrier d’Olivier Darbois la semaine dernière, il est important que le ministère ne prenne aucune décision hâtive d’annulation. A quoi va ressembler le paysage en 2021 si chacun des acteurs indépendants se retrouve fragilisé en 2020 ? La décision d’annuler semble évidente et nécessaire pour les grands festivals et pour l’entertainment parce qu’ils ont les moyens de signer de larges clauses d’assurance. Il en est tout autre pour les micros, petits et moyens festivals. Ce n’est pas la même réalité sur le terrain. Nous travaillons avec plusieurs collectifs d’artistes indépendants que ça soit BFDM, TROPICOLD, Métaphore, Paillettes pour ne citer qu’eux, très près du terrain, ils donnent un nouveau sens aux politiques culturelles toute l’année à travers de nouveaux média, des clubs et des réseaux. Face à un tel courrier, ils ne peuvent que douter des logiques d’intérêt général. Un producteur indépendant ne pourra pas tenir un an comme cela !
Est-ce que les pouvoirs publics locaux vous accompagnent dans la restructuration du festival, techniquement ou financièrement ? On peut se douter que le festival impacte l’activité touristique locale.
Bien sûr, nous discutons beaucoup avec les autorités locales mais nous échangeons avec l’État. Aujourd’hui les tutelles publiques, le Préfet de région, attendent les consignes de l’État. En attendant nous communiquons beaucoup avec nos partenaires, avec notre syndicat le SMA qui se mobilise. Tous nous nous rejoignons sur le fait que l’exécutif est dépassé par la situation. Nous n’avons pas la certitude que ça soit mieux géré ailleurs en France ; en revanche l’Allemagne a débloqué un fond d’urgence de 50 milliards d’euros la semaine dernière pour la culture contre 22 millions en France. Certains de nos artistes, résidant en Allemagne comme Jennifer Cardini, ont déjà été crédité d’un fond de soutien individuel allant de 5 à 10 000 euros après avoir rempli un simple formulaire. Pour en revenir à Bi-pôle, qui représente près de 50 artistes, l’agence perd plus de 500 000€ de chiffre d’affaire sur l’annulation du printemps, et elle pourrait peut-être se voir attribuer une aide de 11 500€ de la part de l’Etat. Voilà la réalité !
Comment imaginez-vous la suite ?
C’est une crise que notre génération n’a jamais connue ; il faut être lucides nous ne pourrons plus fonctionner comme avant. Nous échangeons beaucoup plus avec nos artistes, nos techniciens, nos équipes pour penser l’avenir. Plus collectivement, nous réfléchissons à de nouveaux modèles de coopération, à une cohérence sociale, à l’impact sur l’environnement aussi. Nous redoublons d’attention auprès de nos artistes et partenaires dans un circuit très court et très solidaire, ce sont là les vrais enjeux du dé-confinement.
Des nouveautés sont-elles envisagées pour cette nouvelle édition ?
Le festival le Bon Air a des nouveautés chaque année, aucune édition ne se ressemble. Nous allons inaugurer et exploiter une nouvelle salle, la Cartonnerie qui était en travaux depuis trois ans. Nous sommes également très concernés par la nourriture et les producteurs locaux: pour la première fois nous faisons le choix de nous passer des grandes enseignes de brasserie qui arrivent chaque année à coup de grands chèques pour financer le festival. Même si nous avons besoin de cet argent, nous avons pris le parti du local et de travailler avec une bière produite dans la région. On essaie d’évoluer et d’affiner nos collaborations en circuit-court et de défendre le local.
La programmation inchangée nous fait de l’œil, des headliners français et internationaux que nous ne présentons plus côtoieront la bouillonnante scène locale représentée par Métaphore Collectif, Tropicold ou encore BFDM avec Shlagga, Vazy Julie, et DJ 13NRV. Le lieu également vous fera prendre un grand bol d’air et oublier vos appartements de quarantaine ou encore les warehouses sombres parisiennes puisque le festival s’installe une nouvelle fois à la manufacture Impériale de Tabac, la Friche de la Belle de Mai sauvée dans les 90’s et réaménagée en hub culturel. Les maîtres mots sont création, solidarité et innovation, pour les quelques 400 artistes et producteurs qu’elle regroupe. 100 000m2 d’espace, entre salles de concert, jardin partagé et toit terrasse. Un bâtiment industriel transformé en temple culturel. Idéal donc pour profiter du coucher de soleil et du feu d’artifice, le tout dansant vue sur mer.
C’est une évidence, le festival Le Bon Air sera la boule à facettes estivale qui fera scintiller la cité phocéenne. Le festival remanie l’espace de la Friche la Belle de Mai et y installe son terrain de jeu. Cinq scènes, plus de cinquante artistes venus d’ici et d’ailleurs, une flopée de courants électroniques, une attention toute particulière portée aux genres et à son environnement, mais aussi beaucoup d’amour, de chaleur et de fête.
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