10 minutes avec Union Trance Mission, label incontournable de la scène rave européenne
Retranscrire une rencontre, transmettre une histoire, délier les langues et apprendre de celles·ceux qui façonnent notre paysage des cultures électroniques. Technopol part à la découverte des personnalités singulières de notre milieu, certaines dans l’ombre et d’autres sur le devant de la scène.
10 minutes avec le label Union Trance Mission.
Grâçe à un parfait équilibre entre une bonne dose d’audace et de folie, Union Trance Mission s’est imposé en un peu plus de deux ans comme le terrain de jeu de plusieurs têtes montantes de la scène rave européenne.
Fondé en 2018 par DJ Reiz & Tonni 3000, Union Trance Mission a rapidement posé les bases d’un style hybride où les influences oldschool se mêlent aux sonorités contemporaines. Un cocktail coloré et redoutable d’efficacité, où la techno côtoie sans complexe les synthétiseurs nostalgiques de la trance.
Animé par une soif constante de créativité, le label a aujourd’hui bien élargi son excentrique univers et compte plus d’une vingtaine de releases au compteur, régulièrement jouées par certains des plus grands djs européens. Entourée de ses résidents Walfroy, Red Scan, ABEM HyperionORBIT & Pawlowski, la bande UTM semble bien décidée à célébrer ce que la connection Paris-Copenhague sait faire de mieux, propulsant sa techno-trance vers un son toujours plus audacieux et décomplexé.
Pour commencer, on vous propose de faire un tour de table pour vous présenter ?
David aka DJ Reiz : Je suis co-fondateur et je gère le label.
Eric aka Red Scan : Je suis l’ingénieur son du label. Je m’occupe des mastering, des mixages et je produis de la musique à côté.
Emile aka ABEM : Je suis DJ résident du label et producteur.
Oscar aka Walfroy : Je suis aussi DJ résident du label et producteur.
Pouvez-vous nous parler des débuts du label ?
DJ Reiz : Le label a été créé fin 2018, avec Tonni 3000 dans sa chambre lorsque je passais la plupart de mes week-ends à Copenhague. Nous avons voulu créer ce label principalement pour sortir nos tracks puisque nous savions qu’elles n’étaient pas vraiment signables. La techno industrielle était encore très présente dans le secteur des musiques électroniques et c’était difficile de trouver des labels sur lesquels nos tracks pouvaient être publiés. De son côté, Tonni 3000 avait déjà de l’expérience là-dedans. Il a gratté un logo en vitesse que j’ai redesigné quelques semaines après et nous avons sorti nos premiers tracks sans réelle ambition.
Walfroy : David (aka DJ Reiz) nous a demandé de sortir des tracks de style trance, ce qui nous a permis de faire quelque chose de différent par rapport à d’habitude. Nous n’avions jamais fait de trance jusqu’alors. D’un point de vue créatif, cela m’a bien débloqué musicalement.
DJ Reiz : Le premier Various Artists que nous avons fait pour le label est venu 4 mois après sa création… avec ma bande de potes. Je les ai tous captés, un par un, et c’est ce various qui nous a vraiment fait monter ! C’est par la suite devenu un projet sérieux quand nous avons commencé à être joué par de grandes artistes telles que VTSS, Anetha, Nina Kraviz… mais c’est surtout Anetha qui nous a bien soutenu en jouant pas mal nos tracks.
Walfroy : Nous avons été assez impressionné par l’ampleur du projet car au début c’était vraiment un projet entre potes, juste pour s’amuser. Et finalement nous avons été assez surpris du résultat. Au début, on prenait David (aka DJ Reiz) à moitié au sérieux.
Red Scan : Et d’ailleurs nos premiers artworks n’étaient pas vraiment sérieux… Les pochettes qui avaient la gueule de nos chaussures.
Pouvez-vous nous présenter les nouveaux membres de Union Trance Mission ?
DJ Reiz : On vient d’intégrer ABEM et Pawloswki. Mais j’aimerai aussi intégrer deux dernières résidentes, j’aimerai rajouter des femmes dans le label. Mais je me suis toujours promis que si je veux intégrer quelqu’un il faut que je la rencontre, qu’il y ait un feeling et qu’on devienne pote. Je veux pas juste envoyer un mail et dire “eh salut tu veux être mon ou ma résident·e ?”. Faut qu’il y ait une connexion qui se crée donc ça viendra en temps voulu.
ABEM : Pour ma part, ça fait seulement quelques mois que je suis résident. Je les ai découverts car ils m’ont mis une claque avec leur nouveau style hybride. Je les suivais et écoutais avant d’être dedans mais j’ai réellement vu leur évolution… qu’ils proposaient quelque chose de nouveau. Nous nous sommes rencontrés avec David (aka DJ Reiz) et Oscar (aka Walfroy) dans un événement pendant une retraite confinement avec Château Perché et ça a bien matché. Par la suite, nous avons continué à nous voir, et au bout d’un an j’ai intégré le label.
Votre label a une direction artistique qu’on oublie pas. Comment avez-vous construit votre identité visuelle ?
DJ Reiz : Au début je faisais les premiers artworks seul, avec Photoshop. Et lorsque j’ai voulu développer le label, j’ai fait appel à un pote graphiste. On bosse désormais avec Tanguy (@dot_grey), qui s’occupe entre autre des artworks de Champs Libre ou I Hate Models. Je lui envoie des inspirations que j’ai diggé en amont et on essaye d’aller dans une direction artistique commune. L’univers visuel du label s’inspire de vieilles pochettes de hard trance, goa avec une 3D assez simple qui garde un certain charme, des sphères et une ambiance cosmique inspirée de la science fiction.
Avez-vous senti une évolution de cette identité depuis sa création ?
DJ Reiz : Nous avons un graphiste qui peut nous faire des choses avec plus de compétences. Donc on peut considérer que notre identité visuelle est plus esthétique qu’à ses débuts. Cependant nous avons toujours gardé cette même ligne graphique colorée. Par exemple, j’essaie toujours d’associer une couleur à un résident.
Red Scan : Moi c’est le rouge par exemple…
DJ Reiz : Pour ma part c’est le bleu.
Walfroy : Par rapport au début, je trouve qu’il y a plus une cohérence visuelle très marquée. On nous reconnaît par ce délire de science-fiction.
DJ Reiz : L’artwork de la prochaine Various Artists sera d’ailleurs dans un délire complètement cosmique.
Et musicalement, quelle direction artistique avez-vous développé ?
DJ Reiz : En général je laisse une liberté artistique musicale sans mettre de contrainte aux artistes. Union Trance Mission c’est versatile, tout le monde garde son style, son univers musical. J’intègre d’ailleurs toujours l’artiste avec le graphiste.
Si t’écoutes le track de Pawlowski sorti sur notre label, c’est complètement dans ce délire-là. C’est parti directement dans la direction artistique qu’il voulait, il a les mêmes inspirations que nous.
ABEM : Je trouve que la direction artistique du label s’est développée depuis le début vers un style plus mental / psytrance, que hardtrance. Quand je les ai connus, à leurs débuts, c’était plus un style hard trance rétro des années 90. Et maintenant nous avons des tracks psy trance, hardcore… Je trouve qu’au sein de Union Trance Mission il n’y a pas un style défini, c’est un style hybride. Union Trance Mission c’est plus une atmosphère avec le côté cosmique et science fiction qui nous rassemble.
Walfroy : Le but serait de continuer à être innovant. À nos débuts nous étions les parmi premiers à faire de la trance rétro et c’est vrai qu’il y a de plus en plus de labels qui commencent à aller vers ce style. C’est pourquoi nous avons voulu aller explorer la goa et la psytrance…
ABEM : En fait, nous voulons explorer tous les sous-genres de la trance. Chacun a ses influences et sa patte artistique. Par exemple Walfroy a plutôt un style hardcore et Red Scan c’est plus mental… Chacun a son style. C’est ça qui est unique et qui donne la force du label et de son évolution.
Union Trance Mission est connu aussi bien en France qu’en Europe. Comment s’est passé le développement du label à l’international ?
DJ Reiz : Dans un premier temps, le label n’est même pas né en France mais plutôt à Copenhague. Nos premières dates étaient là-bas et à Berlin parce que le style trance n’était pas du tout ancré dans la culture française. Paris est venu après, lorsque le collectif Possession a commencé à nous faire jouer et à nous mettre en avant. C’est ce qui nous a fait connaître en France !
ABEM : Oui c’est vrai que le style trance n’est pas ancré dans la culture club française underground… C’est plus dans la culture free party.
Walfroy : C’est vrai que le Danemark a pas mal inspiré la scène française ces huit dernières années : une techno un peu plus rapide et mélodique. Ils ont aussi une scène psytrance là-bas qui est assez énorme.
DJ Reiz : Ce label n’est pas un label français, c’est un label européen, avec une connexion avec des villes telles que Copenhague et Berlin. C’est un label qui se situe dans l’esprit de plusieurs villes européennes.
Red Scan : On le voit par exemple avec le t-shirt UTM qui comporte plusieurs étoiles, comme celles du drapeau européen.
Est-ce qu’on peut donc dire que votre visibilité au niveau européen s’est fait par rapport au genre musical que vous apportez ?
DJ Reiz : Oui c’est sur que c’est grâce au genre musical. À Berlin et Copenhague, ils sont plus en avance sur la musique électronique. Paris suit beaucoup plus une mode.
ABEM : En Allemagne, iels sont beaucoup plus ouvert·e·s sur la musique, nos tendances en France viennent pas longtemps après.
Walfroy : La scène française arrive un peu en retard mais cela aide à développer le style musical. Il y a tellement de bon·ne·s artistes sur la scène parisienne !
Red Scan : L’avantage qu’on a en France sont les warehouses qui forgent un certain style musical.
En dehors de Berlin, Copenhague et Paris, quelles sont les retombées internationales pour Union Trance Mission ?
DJ Reiz : Quand on regarde les statistiques SoundCloud, on a l’Australie, les États-Unis, la Colombie, l’Ukraine…
ABEM : La Colombie aussi c’est la nouvelle vague. Ils ont une scène hard dance très forte ! C’est un délire… rien à voir comparé à l’Europe. Ils ont un état d’esprit et une relation avec la musique très différente de nous. C’est plus chaleureux. C’est intense là-bas.
Walfroy : Il y a certains collectifs colombiens tels que Underzone avec qui on est en contact très étroit sur beaucoup de leurs Various Artists.
ABEM : Les gars de Underzone ont ramené la gamme hybride en Amérique latine. J’ai d’ailleurs parlé avec eux pour faire une collaboration pour potentiellement organiser une soirée là-bas et une soirée en France.
Pour qu’un label perdure, il est important de penser à un business model. Quelles sont vos dépenses et vos revenus générés par le label ?
DJ Reiz : Pour ce qui concerne les revenus générés, nous avons ceux de BandCamp, les parts d’Underscope sur la distribution, les bénéfices du merchandising. Les distributeurs nous donnent tous les trimestres un récapitulatif des ventes et nous payent.
Au niveau des dépenses, tou·te·s les artistes signé·e·s sont rémunéré·e·s : nous faisons du 50/50 sur les ventes digitales. Je fais des screens des ventes et nous faisons le calcul ensemble. Une autre dépense du label a été tout le matériel acheté pour Red Scan (notre ingénieur son) pour qu’il puisse travailler dessus.
Mais maintenant qu’on se lance sur vinyle, nos dépenses vont généralement partir sur ça. Je conseille tout de même de faire du digital pour faire une bonne trésorerie. Je pars du principe que je ne mettrai jamais un sous pour le label, tout marche avec la trésorerie… Sinon, ça veut dire que tu ne fais pas les choses dans le bon sens : c’est important d’être auto-suffisant.
Walfroy : T’es obligé de produire beaucoup de vinyles pour que ce soit rentable. C’est à dire que si tu en presses moins de 300, en général ce n’est pas rentable et tu vas perdre de l’argent.
Est-ce que pour augmenter l’activité d’un label, la création d’une agence de booking ou/et de collectif pourrait être bénéfique selon vous ?
DJ Reiz : J’y ai pensé et gérer le label me demande déjà pas mal de temps. Si j’arrive à m’entourer de bonnes personnes, spécialisées là-dedans, pourquoi pas ! Mais pour le moment, encore une fois, j’ai vraiment besoin de connaître bien la personne pour qu’une confiance s’installe.
Quels conseils pouvez-vous donner pour les personnes qui souhaiteraient monter un label ?
DJ Reiz : Partir sans trop d’ambition, être patient, ne pas avoir trop d’attente là-dessus car il faut savoir que c’est un milieu avec beaucoup trop de concurrence.
Il est important aussi d’avoir son style, d’essayer de se démarquer au maximum. Ne pas copier ce que fait un tel ou un tel, apporter quelque chose de différent.
Un autre conseil : être soi-même, ne pas vouloir que la fame. Ça se ressent ceux qui ont le vrai plaisir de la musique. C’est pourquoi, lorsque vous lancez un label, il n’est pas nécessaire d’être entouré uniquement d’artiste connu·e·s mais plutôt d’artistes qui ont une patte propre à eux·elles.
Avoir un bon ingénieur son c’est important. Je suis tombé sur des labels qui envoyaient leurs dernières various artists… le mastering et le mixage rendaient la track pas du tout audible. Si vous voulez que les gros DJs vous jouent, c’est important que les sons soient bien masterisés et mixés. Avoir un bon graphiste avec toi c’est aussi un conseil que je peux donner. Partir avec des gens qui vont travailler avec toi avec un prix doux car tu ne démarres pas souvent avec beaucoup d’argent.
Walfroy : Il est important aussi d’avoir une bonne ambiance au sein du label. Tout le monde grandit ensemble que ce soit personnellement ou musicalement. Je sais que je suis plus en confiance pour faire des tracks d’un genre que je ne connais pas lorsque je suis avec les copains du label pour m’encourager. C’est important d’être bien soutenu.
Quels sont vos projets pour la suite ?
DJ Reiz : On a pour mission de sortir des vinyles tous les 2 ou 3 mois. Désormais, nous avons assez de revenus pour engranger suffisamment d’argent et lancer une production. Ça va être les résidents du labels et quelques outsiders. Parmi les artistes programmés de l’année prochaine il y aura Hyperion Orbit, avec JKS en remix. Sur chaque vinyle il y a aura 3 tracks et un remix. Pawloswki va aussi sortir son premier EP sur notre label, et les autres résidents aussi. Nous allons sortir un various entre plusieurs artistes pour accompagner les vinyles, le prochain sort fin novembre.
A1 – Jacidorex – Inflow
A2 – Clair – Viens En After
B1 – Lucinee – Into The Void
B2 – Azo – Alien Feelings
C1 – DJ Reiz – Trippin’ On Acid (Sativa Vocal Mix)
C2 – Tonni 3000 – 2200 Sine
D1 – Red Scan – Station 32
D2 – HyperionORBIT – Heaven’s Gate
Le label Union Trance Mission te donne rendez-vous le 25 novembre à l’occasion de la release party de cette nouvelle compilation ! Cette soirée rassemblera les artistes présents sur cette dernière, artistes parmi les plus prometteurs de la scène Techno/Trance européenne, à savoir l’artiste belge Azo, la talentueuse DJ allemande Lucinee ainsi que le prometteur producteur français Clair. Ils seront accompagnés des résidents UTM DJ Reiz, Red Scan et HyperionORBIT.
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