Le smiley jaune, emblème de l’acid house

Il était une fois… La tecktonik, le thérémine, le voguing, la drum&bass, la vie des cultures électroniques. Vous connaissiez leur nom mais pas leur histoire. Travail d’investigation et de décryptage, Technopol vous fait revivre les courants, les genres, les événements, les machines, et les mouvements qui ont façonné la culture que nous connaissons aujourd’hui. 

Connaissez-vous l’histoire qui se cache derrière la petite tête qui sourit ?

Le smiley jaune est reconnu comme l’emblème non officiel de l’acid house, grâce à une jeunesse qui faisait résonner cette musique sur toutes les enceintes dès la fin de la décennie 1980. En effet, d’un bouillonnement d’esprits créatifs, de fêtard·es et de rebelles, un monde nouveau s’est dressé, aux valeurs fraternelles et bienveillantes. À sa tête, la représentation parfaite de cet esprit collectif s’est vite dessinée : un rond jaune, deux yeux ovales et un large sourire.

Mais le smiley a traversé autant de pays que de champs d’exploitation avant d’obtenir ce rôle pour la culture rave. Focus sur son historique.

 

Les origines du visage jaune

L’histoire du smiley jaune remonte aux années 1960. Aux États-Unis, une société d’assurance souhaite remonter le moral de ses employés, suite à une période difficile pour l’entreprise. Dans cet objectif, la compagnie fait appel à un graphiste, Harvey Ball, pour concevoir une image positive, qui encouragerait à sourire. C’est là qu’apparaît pour la première fois une ébauche du dessin que l’on connaît aujourd’hui. Harvey Ball ne pressent rien du phénomène se cachant derrière la simplicité de son dessin et sera payé moins de 50 dollars pour cette création.

 

Petit à petit, le visage jaune est repris dans le pays, notamment par les frères Bernard et Murray Spain. Ils créent des goodies de toutes sortes, sur lesquels ils font figurer un design légèrement modifié de la création de Ball, accolé à la phrase “Have a nice day”. Décliné sur des portes-clés, des tasses, des badges, des t-shirts… le bonhomme souriant est déjà omniprésent dans la société américaine au début des années 1970.

Puis de la publicité américaine, le smiley jaune envahit aussi la presse française. En 1972, Franklin Loufrani, pigiste pour France Soir, décide d’annoncer les bonnes nouvelles quotidiennes par la présence du bonhomme tout sourire. Y voyant tout de suite un potentiel, Loufrani fait le dépôt de son dessin à l’Institut National de la Propriété Industrielle et fonde la marque The Smiley Company. Sa création dès lors protégée, il détient la propriété et les droits d’exploitation commerciale du dessin jaune, et rend française l’invention du smiley.

 

De la publicité au symbole de la rave

Au Royaume-Uni, la fin des années 80 signe le début d’une révolution culturelle. Le pays, sous la gouvernance radicale de Margaret Thatcher, découvre une nouvelle musique venue tout droit d’outre-Atlantique : l’acid house. Dans le même temps, la “drogue de l’amour”, l’ecstasy, fait son apparition et une partie de la jeunesse, revenue d’Ibiza imprégnée de sa culture club, commence à s’organiser en petits groupes d’artistes. Cette réunion simultanée crée un terreau fertile pour une jeune génération qui cherche à s’affranchir des règles.

Aux rythmes de basses distordues, la société britannique s’agite, la création artistique se trouve en pleine ébullition, des fêtes clandestines et libertaires voient le jour dans des champs ou des entrepôts désaffectés, et des clubs fleurissent dans de nombreuses villes, tels que les mythiques Haçienda à Manchester ou Shoom à Londres. Cette période d’effervescence dans la musique, la mode et le design, mais aussi de chamboulement quant à la consommation de drogues, la sexualité, ou les classes raciales et sociales, se verra donner le célèbre nom du “Summer of Love”.

 

Mais qu’en est-il de notre petite tête ronde qui sourit ? Elle apparaît tout d’abord sur un flyer d’une de ces soirées, puis sur un macaron d’un vinyle d’acid house, et finit par conquérir la scène rave, de la scénographie des événements aux vêtements des ravers. Le smiley, figure de joie, devient un symbole de contre-culture, représentant la vision idéaliste et positive du “Summer of Love”, et par ironie, une certaine rébellion et un défi à l’autorité.

Du Royaume-Uni, la vague acid house, toujours accompagnée de son effigie jaune, a inondé le reste de l’Europe : de la France, notamment avec Laurent Garnier qui fit ses débuts, suite à son passage à Manchester, au Palace à Paris, au Danemark, avec Kenneth Bager qui ouvrit son club à Copenhague, le Coma Club.

 

 

Avec le début des années 1990, le “Summer of Love” a commencé à s’essouffler. L’image du smiley s’est peu à peu universalisée, particulièrement par son usage comme émoticône, puis comme emoji aujourd’hui.

Néanmoins, le visage jaune représente un important héritage des cultures électroniques. Il reste de nos jours l’emblème de certains courants spécifiques (l’acid, l’happy hardcore…) et plusieurs clins d’œil lui sont toujours adressés, par-ci par-là, à l’instar du logo d’Eurodance Inc, ou de la dénomination du label de JKS, Smile Sessions.

 

Encore plus ?

À l’occasion des 50 ans du smiley jaune (en 2022), DJ Pierre, considéré comme le père et porte-étendard de l’acid house, a participé à la réalisation d’un court-métrage. Il y résume sur fond d’images animées l’histoire du visage jaune.

 

Article écrit par Anna Le Com

 


Technopol à besoin de votre soutien !

Pour devenir adhérent·e·s à notre association et participer à nos actions de défense et de promotion des cultures électroniques 👉 Cliquez sur ce lien !

 

#Retrouvez-nous sur Instagram