Le label Underground Resistance, symbole de l’histoire de la techno de Détroit
Il était une fois… La tecktonik, le thérémine, le voguing, la drum&bass, la vie des cultures électroniques. Vous connaissiez leur nom mais pas leur histoire. Travail d’investigation et de décryptage, Technopol vous fait revivre les courants, les genres, les événements, les machines, et les mouvements qui ont façonné la culture que nous connaissons aujourd’hui.
Le 7 mai prochain, Kilomètre25 annonce sa réouverture avec en tête d’affiche Jeff Mills. Figure de proue du label Underground Resistance qu’il a quitté avant de se lancer dans une carrière en solo, il a cependant continué à porter en lui les valeurs et l’identité forte du groupe qui l’a vu naître. L’occasion de se replonger dans ce pan de l’histoire de la musique électronique …
Underground Resistance, souvent raccourci “UR”, est né en 1989 à Détroit, aux Etats-Unis. Co-fondé par Jeff Mills et Mike Banks, ce collectif a massivement contribué au développement de la musique électronique, et tout particulièrement à la définition du son techno. Rapidement rejoint par d’autres DJs et producteurs tels que Robert Hood ou Darwin Hall, UR défend l’indépendance artistique et critique la société de consommation, les années d’exploitation musicale et de programmation radiophonique malhonnête.
Majoritairement composés d’artistes noirs américains attachés à leur communauté, Underground Resistance s’attachera également à la lutte contre les discriminations raciales. En effet, UR est réputé pour son activisme social, mais aussi politique. Le collectif s’est servi de son travail musical comme moyen de promouvoir des idées de justice sociale, d’émancipation et de résistance contre les injustices systémiques.
L’essor de techno de la Détroit, sur fond d’apocalypse
A la fin des années 1980, la ville de Détroit était déjà entrée dans sa phase de déclin post-industriel. Siège des grands constructeurs automobiles américains, la ville subissait de plein fouet la révolution technologique qui a obligé de nombreuses usines à fermer, et a laissé la moitié de ses ouvriers sans emploi. La Motor City était en pleine dépression : de plus en plus de bâtiments étaient abandonnés, la misère et l’insécurité grandissaient, le racisme et les violences policières s’accroissaient … tout tombait en ruine.
Mais cet environnement a aussi créé une dynamique poussant les artistes locaux à la création, particulièrement par l’art et la musique. Dans le lot, les membres d’Underground Resistance ont cherché à créer un son qui reflétait les réalités urbaines et industrielles de leur ville, tout en offrant une échappatoire, aussi bien physique que spirituelle. Par un son distinctif et innovant, souvent caractérisé par des rythmes hypnotiques, des basses profondes et des motifs synthétiques futuristes, le collectif s’est imposé comme un pilier en son genre.
C’est ce contexte historique et social qui a joué un rôle significatif dans l’émergence de la techno et dans son association à cette image industrielle.
Un collectif au service d’un engagement politique et sociétal
En Europe, la techno est aussi en plein boom. Face à la popularisation de cette musique, qui devient trop mainstream, trop commerciale, ou encore trop blanche pour Underground Resistance, le label adopte une attitude radicale. En effet, le groupe veut revenir à une techno et à un processus de création plus authentique. UR affiche sa volonté de se retrancher à Détroit, et soutient une philosophie en opposition totale à l’industrie musicale.
Pour ce faire, le collectif monte ses propres studios d’enregistrement. Underground Resistance crée également son propre label, puis sa propre structure de distribution. Ce militantisme face aux majors se traduit dans leurs actes, même jusque dans le pressage de leurs vinyles, qu’ils gravaient volontairement à l’envers, ou en y apposant des messages.
En ce qui concerne l’image du groupe, ses membres revendiquent l’anonymat. La finalité étant de pouvoir se concentrer uniquement sur la musique et ses messages, plutôt que sur le DJ en lui-même. Pour cela, ils entretiennent l’absence d’image en utilisant souvent des pseudonymes, en fuyant les médias grand public, ou encore en se présentant masqués ou en tenue de camouflage. L’esthétique de leurs pochettes de disque est, elle aussi, très minimaliste.
Au fil des années, Underground Resistance est devenu un véritable mythe dans le monde de la musique électronique, influençant de nombreux artistes et producteurs à travers le monde. Le collectif continue de produire de la musique, ainsi que de promouvoir des idéaux de liberté et de rébellion à travers leur art. Il reste un symbole de l’état d’esprit de la techno de Détroit des années 90, qui fait d’autant plus écho aujourd’hui, à l’heure de la starification des DJs et de la commercialisation croissante que subit cette scène.
L’héritage d’Underground Resistance perdure et inspire toujours, comme pour u.r.trax, qui a choisi de reprendre les initiales du label dans son nom, ou lors de la toute récente inscription de la techno berlinoise au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Effectivement, Lutz Leichsenring, membre du conseil d’administration de « Clubcommission » à Berlin a souligné que ces décisions sont rendues possibles grâce, notamment, à la contribution de labels, tels qu’Underground Resistance, à la création et à la diffusion de la culture techno.
Pour aller plus loin…
Article écrit par Anna Le Com
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