Signé sur Exhale Records, rencontre avec LEY MAR, DJ et producteur récemment arrivé dans la capitale
Retranscrire une rencontre, transmettre une histoire, délier les langues et apprendre de celles·ceux qui façonnent notre paysage des cultures électroniques. Technopol part à la découverte des personnalités singulières de notre milieu, certaines dans l’ombre et d’autres sur le devant de la scène. Aujourd’hui, nous consacrons notre rubrique « 10 min avec » le DJ et producteur LEY MAR. Rencontre.
Pour commencer, pourrais-tu te présenter ?
Salut, moi c’est Marley et mon nom d’artiste est LEY MAR. Je suis DJ depuis 2016 et producteur depuis 2020. J’ai un style techno, hard techno avec des percussions assez entraînantes et un penchant pour les atmosphères assez dark. J’essaie toujours de raconter une histoire à travers ma musique.
Je suis originaire de Bretagne et je suis arrivé à Paris il y a un peu plus d’un an pour mon projet artistique. J’ai rejoint ISOLA Sound qui s’occupe de mes bookings et qui est aussi devenu ma famille aujourd’hui. On est vraiment un crew et iels sont très bienveillant·e·s envers moi, c’est un vraie chance de les avoir trouvé·e·s.
Photo ©USBY
Comment les as-tu rencontrés ?
Corbeille Dallas avait entendu parler de moi (fondatrice de ISOLA Sound) et j’ai eu l’occasion de les rencontrer.
D’abord elle, puis ensuite toute la team qui m’a directement mis à l’aise. Aujourd’hui, on est tou·te·s voisin·ne·s, on est tou·te·s dans le même secteur ce qui nous permet de nous voir assez facilement.
Qu’est ce qui t’a poussé à devenir un artiste ?
Cela a été un processus en deux étapes. J’ai commencé à aller en rave en 2014 et j’ai adoré ça. Il faut savoir que les raves en Bretagne sont dans l’identité culturelle de la région. Il y a beaucoup de paysages, beaucoup de choses à exploiter et les gens vont plus facilement en rave qu’en club. Cette notion d’indépendance et de liberté est très importante pour ce public.
J’ai commencé par du hardcore et du gabber, j’étais un gros diggeur. Je voulais tous les sons les plus “énervés”. J’étais en recherche constante de tracks, je passais mon temps à faire ça. Par exemple en mettant par année et par style sur Discogs… ça prenait du temps mais je tombais sur ce que je voulais.
C’est en regardant les autres DJ mixer que cela m’a donné envie d’essayer. J’allais toujours derrière les platines pour les voir mixer. J’écoutais énormément de sets pour essayer de comprendre comment cela fonctionnait. Il y a beaucoup d’artistes qui m’ont inspiré, je pense notamment à Radium et ses sets oldschool (ex : Skyrave) ou encore LuXus Sombracier, bien connu en Bretagne. C’est vraiment en écoutant et en regardant les différentes façons de mixer que je me suis fait ma patte et mon identité.
Par la suite, j’ai acheté mes premières platines vinyles. Je me suis dit que je n’allais jamais y arriver, mais à force de faire et refaire, j’ai appris. Il n’y a pas d’autre secret que l’entraînement. Cela m’a permis de travailler mon oreille musicale sans aucun visuel de BPM comme on peut l’avoir si on commence sur des platines numériques. Cela fait seulement 2 ans que je joue sur CDJ, cela me permet d’avoir plus de choix et de jouer aussi quelques-unes de mes productions. C’est beaucoup plus simple de se déplacer avec plusieurs clés USB qu’un énorme bac de vinyles (rires).
Dernier podcast de LEY MAR sorti sur le label italien Art.1.43 Records
En plus de ton activité de DJ, tu es aussi producteur. Peux-tu nous parler de tes premiers pas dans la création musicale ?
La production est arrivée plus tard. J’ai commencé par le hardcore, le gabber, le doomcore car j’étais dans un délire oldschool mais je suis arrivé à un point de non retour. Le problème avec ce style, c’est qu’une fois que tu as trouvé tout ce que tu veux, tu restes assez bloqué car il n’y a pas beaucoup de nouveautés.
Je me suis donc ouvert sur d’autres esthétiques en commençant par le hardcore actuel plus industriel puis j’ai finalement eu envie d’autre chose. C’est comme ça que je me suis intéressé à la techno. Il y avait certains styles techno que je trouvais relativement hard, des sonorités et des kicks qui étaient similaires à ce que je pouvais jouer avant dans d’autres styles. Je me suis dit que je commençais à tomber sur ce que je cherchais.
J’ai aussi eu la chance d’avoir un entourage qui faisait de la prod’ ce qui m’a beaucoup poussé car c’était plus simple et cela m’a évité de partir de zéro. J’ai besoin qu’on me montre pour comprendre la logique. Donc j’avais plusieurs copains qui me faisaient des petits cours Ableton, mais rien n’était encore sérieux à ce moment-là. J’ai commencé à m’y mettre sérieusement en 2020.
Tu as notamment produit un track pour le label Exhale d’Amelie Lens. Comment cela s’est-il passé ?
Tout est parti d’un post Instagram d’Amelie qui demandait à des jeunes producteur·rice·s de lui envoyer des tracks sur une adresse email qu’elle avait créée pour l’occasion car elle voulait promouvoir les jeunes artistes émergent·e·s lors d’une de ses émissions sur la radio BBC. Aucun de mes sons n’a été choisi, mais elle m’a dit qu’elle aimait ce que je faisais et que je ne devais pas hésiter à lui envoyer d’autres tracks. Ayant tout juste terminé mes études à ce moment-là, je faisais de la production tous les jours, et j’étais vraiment motivé. Au bout de plusieurs envois, Amelie m’a parlé d’un VA pour Exhale, et qu’il fallait donc que j’aille “bosser au studio” en rigolant. J’ai pris ça très au sérieux donc j’ai travaillé dur pour lui proposer quelque chose. Je me suis mis une pression de malade, mais ça a finalement payé car j’ai signé sur son label pour le VA 003. J’ai eu du mal à y croire au début, c’est vraiment une bonne chose que des artistes comme elle pousse des petit·e·s artistes et les motive. J’ai eu l’occasion de la rencontrer au Rex Club à Paris, c’est une personne très gentille, facilement abordable et très humble. Pour cette sortie, c’était mon premier vinyle, j’étais vraiment fier et heureux car tout est parti de là pour moi. Fier aussi pour mes parents car ils ont vu que des choses avançaient dans la musique. Au début, ils avaient du mal avec ça, ils pensaient que ça allait me passer et maintenant ils sont à 100% avec moi et m’encouragent énormément dans mon projet.
Peux-tu me parler de tes prochains projets ?
Je bosse sur un clip car on va faire une sortie sur mon label SBMRN RECORDS que nous gérons avec OMICID & WAST. Je travaille avec Jeanne Juffroy, avec qui la collaboration se passe super bien ! J’ai toujours voulu imager ma musique, d’autant plus que ce projet représente une histoire personnelle en qui je pense, beaucoup de personnes pourront s’identifier.
Je travaille aussi sur un EP sur lequel je vais faire une ou deux collaborations, on verra bien !
En parlant de collaboration, est-ce que c’est quelque chose qui t’intéresse ?
La seule collaboration que j’ai faite c’est avec mon ami WAST avec qui je m’entends très bien car on a toujours eu des goûts similaires. On vient de la teuf, on aime le gabber, on a les mêmes vinyles, et beaucoup de références en commun. La première fois qu’on a fait de la prod ensemble, ça a matché direct. On a d’ailleurs commencé à produire une track ensemble sur mon EP. Je ne suis pas fermé, d’autres collaborations verront peut-être le jour, c’est une question de feeling selon moi.
Qu’est-ce qui t’as amené à produire de la techno alors que tu viens plutôt de l’univers du gabber et de la hardcore ?
En tant qu’artiste, je pense que mes goûts ont évolué aussi bien que les styles eux-mêmes puisque le hardcore d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui que des années 90 début 2000 que j’écoutais.
Il faut aussi savoir évoluer avec son temps et j’ai trouvé un autre style de musique qui me plaît tout autant et avec des sonorités similaires.
Après la “techno” est vaste, pour moi je fais de la musique et je n’ai pas envie qu’on m’enferme dans un style car j’aime le mélange des genres et des sonorités. Dans ce style, tu peux vraiment créer ton propre univers.
Tu as eu l’occasion de jouer plusieurs dates à l’international dont une dernièrement à Los Angeles. Peux-tu nous en parler ?
J’ai effectivement eu l’occasion d’avoir ma première date à Londres, au Corsica Studio pour la reprise des afters Jaded. C’était vraiment une première pour moi, j’ai vraiment adoré l’ambiance, le public à Londres est vraiment chaud ! Et puis le Corsica est un lieu cool, c’est un club intimiste et le son est vraiment bien réglé. j’y suis retourné une deuxième fois début septembre, ça se passe toujours aussi bien, on s’entend super bien avec le crew Jaded.
J’ai ensuite eu à la fin de l’été, ma première date au USA fin août, à Los Angeles. C’était une super opportunité, car je n’étais jamais allé aux USA. La communauté écoutant de la techno un peu plus “hard” n’est pas très développée là-bas et j’ai eu le sentiment que le public formait vraiment une communauté qui se connaissait tou·te·s, et était passionné. La fête s’est tenue dans un lieu “underground” de Los Angeles avec une super ambiance également, toujours intimiste. J’ai eu de très bons retours sur mon set donc c’était cool ! Jamais je n’aurais cru il y a quelques années pouvoir voyager et faire partager ma passion à l’autre bout du monde, j’en suis vraiment content.
Photo ©Alix Mateuc’h
Quels conseils pourrais-tu donner à un artiste qui souhaite se lancer, que ce soit dans la production ou dans le mix ?
Le conseil que je pourrais donner à un jeune artiste qui aimerait se développer est de sortir du contenu régulièrement comme des podcasts par exemple. Pour la partie production, trouver des labels qui apportent de la “visibilité” cela permet de développer sa communauté au local mais international pour ceux étant à l’étranger.Il faut aussi faire attention à ne pas signer sur n’importe quel label, et choisir ceux qui correspondent le mieux. Je conseillerais aussi de sortir des self-release sur sa propre chaîne SoundCloud/Bandcamp, ça peut aussi être une bonne idée. Je dirais également qu’il faut toujours s’écouter, ne pas suivre la tendance et créer son propre univers et d’avoir un style personnel. C’est la meilleure direction à prendre selon moi, pour avoir son identité musicale.
Photo de couverture ©Alix Mateuc’h
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