Retour sur l’histoire du MiniMoog, ce synthétiseur qui a façonné les musiques électroniques depuis les années 70
Il était une fois… La tecktonik, le thérémine, le voguing, la ro-minimal, la vie des cultures électroniques. Vous connaissiez leur nom mais pas leur histoire. Travail d’investigation et de décryptage, Technopol vous fait revivre les courants, les genres, les événements, les machines, et les mouvements qui ont façonné la culture que nous connaissons aujourd’hui.
En plein revival depuis plusieurs années, les synthétiseurs Moog ont façonné la musique électronique à partir des années 70. Si aujourd’hui ces quatre lettres font briller les yeux des musicien·ne·s, c’est notamment grâce à un synthétiseur qui s’est retrouvé partout en un clin d’œil : le MiniMoog.
Robert Moog, inventeur du synthétiseur
Robert Moog, docteur en électronique, est considéré comme l’un des inventeurs du synthétiseur. Il fabrique au début des thérémines, puis s’aventure chez les synthétiseurs. Au début, ces machines pouvaient remplir une pièce entière, étaient difficilement transportables et donc peu adaptés à la scène. On parle de modules, qui s’assemblent les uns avec les autres pour former un gigantesque circuit électronique. Les synthétiseurs modulaires étaient de ce fait des machines de studio, destinés à l’enregistrement et à l’expérimentation. Tout change au début des années 70, lorsque le MiniMoog voit le jour. La taille est considérablement réduite, et on découvre pour la première fois un clavier intégré et une molette pitchbend : cette molette permet de jouer avec la hauteur de la note, comme sur une guitare. Cette nouvelle jouabilité, alliée à une sonorité inimitable, va en faire un instrument incontournable. On le retrouve dans des groupes de rock progressifs, chez des jazzmen, et même sur scène avec Bob Marley.
Mais c’est évidemment dans des formations de musique électronique que le MiniMoog va pouvoir laisser cours à toutes ses possibilités. Popularisé notamment grâce au groupe Kraftwerk, une écoute de l’album Autobahn procure une belle plongée dans les sonorités de l’instrument.
Alors concrètement, qu’est-ce qu’il se passe dans la machine ? On y retrouve les basiques d’un synthétiseur, c’est à dire une machine traversée par un courant électrique. L’onde électrique traverse les différents modules, qui disposent de pleins de petits potards que l’on va pouvoir régler afin de parvenir à un résultat satisfaisant en terme sonore. Ces modules, présentant chacun des caractéristiques différentes, peuvent être ajoutés à volonté au synthétiseur, ce qui explique en partie leur taille souvent démesurée.
Le Minimoog Model D
Le MiniMoog, de par sa taille, et bien plus limité que ses confrères. Il dispose de trois oscillateurs, un générateur de bruit, un filtre, et un amplificateur. Le clavier fonctionne comme un clavier classique, il dispose de 12 notes sur 3 octaves et demi. Appuyer sur une touche va faire sonner une note que l’on pourra altérer dans un premier temps avec les oscillateurs. Ils disposent chacun d’un contrôleur de volume, permettent de varier la hauteur de la note, et de choisir la forme d’onde. Le MiniMoog dispose de six formes d’ondes différentes, qui donneront chacune un caractère différent à la note jouée, en influant notamment sur sa richesse harmonique. Les oscillateurs du MiniMoog fournissent des formes d’ondes riches en harmonique, que l’on s’emploiera ensuite à adoucir : c’est la synthèse soustractive.
En combinant les réglages des trois oscillateurs, on arrivera à un premier résultat. Ce résultat va ensuite arriver dans le fameux filtre du Dr Moog. Le filtre va comporter plusieurs réglages, comme le cutoff (il définit la fréquence à laquelle le cut se situe), un boost, ou encore l’ADS (Attack, Decay et Sustain). Ces paramètres permettent de nombreuses possibilités, et le son va ensuite finir sa course dans l’amplificateur.
Le filtre du Dr Moog a souvent été imité, mais jamais égalé, si bien qu’il est devenu une véritable référence notamment grâce à son punch et sa grande musicalité. Une des raisons, avouée par Bill Hesmath lui-même (co-inventeur du MiniMoog), serait que par inadvertance, les ingénieurs aient fait saturer le filtre à cause d’une erreur de calcul. Le synthétiseur a été commercialisé avec cette erreur, bien que l’équipe s’en soit rendue compte quelques mois avant le lancement du MiniMoog. Une fort bonne idée, tant son succès a été colossal.
Toutefois, la société du Dr Moog va connaître bien des difficultés, à cause de plusieurs échecs commerciaux, et d’une concurrence toujours plus élevée. Le MiniMoog sera fabriqué jusqu’en 1981, puis Moog va totalement s’effondrer.
Mais l’influence que ce synthétiseur aura eu sur la musique va l’empêcher de sombrer dans l’oubli. Robert Moog récupère ses droits sur la société en 2002 (après avoir vendu ses parts et quitté la compagnie et 1977) et remet son instrument phare au goût du jour : le MiniMoog Voyager. Il va notamment repenser l’intégration MIDI, afin de faciliter son intégration dans les systèmes informatiques devenus majoritaires au 21ème siècle.
Aujourd’hui, Moog c’est une société toujours en activité (malgré le décès de son père fondateur en 2005), de nouveaux produits commercialisés comme le Minitor, le Moog One, le DFAM, etc…, une grande qualité de fabrication et une renommée internationale.
Mais c’est également des prix élevés, difficilement abordables, et donc une omniprésence moindre par rapport au « golden age » de Moog. De nombreuses marques s’inspirent des travaux de Moog, comme Arturia ou Behringer, qui parviennent à proposer des produits similaires à des prix beaucoup moins élevés. L’avènement du home-studio a également entrainé une nouvelle façon de penser l’équipement musical, entre ce qu’on appelle le hardware, les machines physiques, et le software, ce qu’il y a dans l’ordinateur. Car les nouveaux synthétiseurs, ce sont bien les ordinateurs ! Des émulations du MiniMoog – et de la quasi totalité des instruments d’ailleurs – sont trouvables sous forme de plug-in, et directement jouables avec n’importe quel clavier maître. On trouvera notamment Arturia et sa fameuse V Collection, ou encore le Monark de chez Native Instrument.
Le plug-in reproduisant le MiniMoog de chez Arturia
Moog parvient à résister à tous ses émules, grâce à sa solide réputation mais également grâce à son histoire. Cinquante ans en arrière, le MiniMoog était prisé pour son côté futuriste et avait donné un nouveau souffle à la musique. C’est aujourd’hui son côté rétro qui fascine, ajouté à cela un regain d’intérêt pour le hardware et le retour en force des instruments sur scène, Moog devrait encore avoir de beaux jours devant lui.
Article écrit par François Leblanc
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