10 minutes avec Glenn Underground : légende de la House Music de Chicago
Retranscrire une rencontre, transmettre une histoire, délier les langues et apprendre de celles·ceux qui façonnent notre paysage des cultures électroniques. Technopol part à la découverte des personnalités singulières de notre milieu, certaines dans l’ombre et d’autres sur le devant de la scène.
10 minutes avec Glenn Underground avant son gig au ZOO à Genève.
Glenn Crocker, plus connu sous le nom de Glenn Underground est un DJ, producteur américain et fondateur du label Strictly Jaz Unit. Très inspiré par le Jazz et la Disco ainsi que des pionniers de Chicago comme Lil’Louis, Larry Heard ou encore Ron Hardy ; Glenn Underground n’a cessé de surprendre la scène électronique tout au long de sa carrière. L’artiste a produit plus de 130 tracks entre 1992 – 2021 et continue encore à nous faire vibrer sur le dancefloor. Pour découvrir sa discographie c’est ici !
Tu as été élevé sur des classiques du disco et du jazz freeform dans le Sud de Chicago. Peux-tu nous parler du début de ta fascination pour la House music ?
En effet, j’ai été élevé avec beaucoup de musiques, du blues, du jazz, du jazz funk, du jazz fusion et de la musique de mouvement. Pour moi, et sûrement pour la plupart des Noirs aux États-Unis, la musique est une libération et un soulagement, dans ce pays où nous devons supporter beaucoup de choses. Pas seulement ici d’ailleurs mais dans le monde. La musique agit comme un point de relaxation, où vous pouvez vous détendre, peu importe ce qui se passe autour de vous, la musique vous calme, la musique est salvatrice, la musique vous aide à imaginer, la musique vous aide à rêver et la musique vous inspire également au quotidien. En ce qui concerne ma fascination pour la musique, elle est sans fin, c’est un défi et j’aime les défis.
Peux-tu m’expliquer la signification du « underground” dans ton nom ?
C’est drôle, “Underground” est apparu vers 1986/1987, probablement plus en 1986. Chicago avait une vraie scène compétitive à l’époque et j’étais un vrai compétiteur. Tout comme ma famille d’ailleurs. Je disais toujours « ma musique est si profonde qu’elle est sous la terre, vous avez besoin d’une pelle pour vous en sortir ». Un jour, il y a un mec qui organisait une fête au centre-ville de Chicago : The Holidays. Il m’a dit « Je vais vous mettre en prime time sur le flyer ; quel nom voulez-vous que j’utilise ?”. À cette époque, j’étais Glenn Jam and Cracker, c’était des conneries, un nom pour la radio mais je n’avais pas d’autres idées. Deux de mes amis ont alors rétorqué : « Tu dis toujours que ta musique est si profonde qu’elle est underground ». Le promoteur l’a entendu et l’a utilisé sans m’en parler. Je ne l’ai su qu’une fois le flyer entre mes mains et c’est resté ainsi depuis. C’était unique même si j’ai pensé que cela pouvait sonner un peu cucul au début, mais vous savez, ça a fini par marcher !
En tant que producteur, tu as sorti de nombreux titres sur des labels. Peux-tu nous parler de votre processus de création ?
L’un de mes morceaux préférés s’appelle “Afro Gente”. Beaucoup de gens ne connaissent pas l’espagnol alors ils l’appellent »Afro Gent » mais c’est en fait »gente », qui signifie “gens” et »afro » qui veut dire noir. L’idée de créer ce morceau m’est venue lorsque je faisais frire du poulet en regardant un film de kung-fu. J’aime les films sur le kung-fu, c’est une pratique très circulaire et artistique. Ce jour-là, je venais de recevoir un logiciel d’un des mes amis. Impossible de jouer dessus tant j’ai détesté son utilisation. A cette époque, mon studio était encore à 99% analogique. Des gens ont laissé tomber un ordinateur dans mon studio et ne l’ont jamais repris. Le programme s’appelait ReBirth, c’était un simulateur des mythiques séquenceurs et boîte à rythmes de chez Roland. Avec le temps, ReBirth est devenu Reason. J’ai tout de même commencé à jouer avec tout en repensant au film sur le kung-fu et au poulet en me disant que ça sonnait vraiment bien ! Sérieusement, ce ne sont pas des conneries ! Ce track était très populaire en 2004/2005.
C’est bizarre, tout peut m’inspirer. Même en parlant avec vous, si la conversation est assez profonde, je vais rentrer chez moi et penser à ce que nous nous sommes dit. Comme je ne sais pas lire la musique mais que je sais la jouer, je m’inspire du silence. Un ami a fait un projet dont j’ai repris le concept pour faire de la musique off-site. C’est mon processus créatif. Où lorsque mon ex petite amie a rompu avec moi et qu’elle m’a brisé le cœur. Pour ensuite me dire que je faisais mes meilleurs tracks avec le cœur brisé. Je sais que ce sont des conneries mais j’ai juste évacué ma colère sur les touches. Donc oui, ça vient de n’importe où.
Quelle est ta machine préférée ? Et pourquoi ?
Il y en a beaucoup ! Une de mes préférées est la boîte à rythme TR-808 et le Fender Rhodes. Mais de toute façon, je suis comme Moïse, je peux faire jaillir de l’eau d’un rocher. Une autre de mes boîtes à rythmes préférées depuis plus de 30 ans est la TR-909. Juste le kick. Je me suis éloigné du hat (cymbale), c’est devenu trop répétitif dans le monde de la House. Mais le kick, c’est comme une brique qui traverse un mur, je pense que c’est l’essence de la musique House ; des briques qui traversent les murs.
Peux-tu me raconter ton plus grand souvenir sur le dancefloor et derrière ton DJ desk ?
Mon plus grand souvenir sur le dancefloor serait probablement d’avoir écouté Lil’ Louis au Bismarck Hotel en jouant E2-E4. Tu connais E2-E4 ? Il y avait une piste de batterie en dessous, et j’étais là en train de danser, de vibrer sur sa chanson. C’était incroyable. J’avais les larmes aux yeux, parce que pour moi, je rêvais d’entendre E2-E4 avec de la batterie et Martin Luther King criant par-dessus. Cette merde était spirituelle pour moi. C’était incroyable d’être témoin de ça. Et cet endroit sur les collines ne pouvait contenir que 45-100 personnes, pas plus. Lil’ Louis avait mis 6000 personnes là-dedans. Nos fêtes étaient folles, nous étions les premières fêtes raves. C’était en 1985/86 à Chicago. Imaginez une fête où personne ne se bat, que tout le monde danse et saute sur la musique. 5000 à 6000 personnes noires sans bagarre ? C’était juste parfait.
Mon expérience préférée derrière le desk était à Tokyo, au Japon. Je suis allé dans les meilleurs clubs du monde et j’ai eu une expérience incroyable là-bas. A Chicago aussi, pendant le SummerDance, j’étais sur la scène extérieure. C’était un grand parc avec environ 6000 personnes et j’ai joué E2-E4 avec toujours cette fameuse piste de batterie en dessous. Même mes amis qui venaient de la banlieue m’ont dit qu’ils pouvaient entendre cette merde jusqu’au bout du métro. Et faire ça, devant ce type de foule, dans ma propre ville à l’époque; c’était une chose formidable !
Un petit mot sur ton gig au ZOO ce soir ?
Je m’amuse toujours en Suisse. Ce sera peut-être ma 4ème ou 5ème fois. Le Polaris Festival à Verbier ou lors de mon Boiler Room. Le festival était super et la nourriture délicieuse ! C’était comme des vacances d’être aussi haut dans les montagnes, de voir des gens skier et tomber. Mais ce soir, ce sera ma première fois au Zoo.
Autre chose à ajouter ?
Continuez à soutenir les musiques électroniques et aidez les à rester en vie. Si vous produisez, donnez le meilleur de vous même, pareil si vous êtes un DJ. Faites en sorte d’être bien vu, car si vous ne le faites pas, c’est toute la communauté qui est touchée.
To transcribe an encounter, to pass on a story, to untie tongues and to learn from those who shape our electronic culture landscape. Technopol goes to discover the singular personalities of our electronic environment, some in the shadows and others at the forefront of the scene.
10 minutes with Glenn Underground before his gig at the ZOO in Geneva.
Glenn Crocker, better known as Glenn Underground, is an American house music DJ, producer and the founder of the label Strictly Jaz Unit. Inspired by Jazz and Disco as well as Chicago pioneers such as Lil’ Louis, Larry Heard and Ron Hardy, Glenn Underground has continued to surprise the electronic music scene throughout his career. The artist has produced more than 130 tracks between 1992 – 2021 and still making us vibing on the dancefloor. To discover his discography, click here !
You’ve been raised on disco classics and freeform jazz in Chicago’s Southside. Can you talk about the beginning of your fascination of the House music ? Or music in general
Well, there is a little more than that, I have been raised on a lot of music, blues, jazz, movement music, jazz funk, jazz fusion.
Music for me, and I think just for black people in the USA is a release and a relief, because in that place we go through a lot; not just there but over the world. And music is like a chill out point you know, where you can chill, no matter what is going on around you, music just cools you out, music is good, music helps you to imagine, music helps you dream, and music also inspires you to do a lot of other things. As far as my fascination with music goes, it is endless, and it’s a challenge and I love challenges.
Can you tell me more about the underground in your artist name ?
That’s funny; the ’’Underground’’ came around 1986-1987, probably more 1986. Chicago used to have true competition back then and I was a real competitor. I come from a competitive family, and I would always say ’’my music is so deep it’s under the ground, you need a shovel to dig yourself out’’. There was this guy from the West side of Chicago, he had a party at this place called The Holidays in city center downtown Chicago, and he was like ’’I’ll put you on prime time on the flyer; what name do you want me to use?’’ By this time I was Glenn Jam and cracker; that was some bullshit, that was some radio shit. And I didn’t know what name I’m going to use. Two of my friends, two twin brothers were like ’’You always talk shit about how your music is so deep it’s under the ground’’ ! The promoter heard it and he put it on the flyer. I didn’t know before seeing it, but once I saw it, Glenn Underground; it has been this way since. It was unique, I even thought it was kind of corny in the beginning but you know, it worked out in the end.
As a productive producer, you released many tracks on many goods labels, can you talk about your creation process ?
One of my favorite track, is the track called ’’Afro Gente’’. A lot of people don’t know Spanish so they call it ’’Afro Gent’’ but it’s really ‘’gente’’, which just means ‘’people’’. And ’’afro’’ is black so this means ’’black people’’. How I came up with that track; well I was frying some chicken, and watching a kung-fu movie. I like kung fu movies, kung fu is circular and it’s artsy. So I was dancing and I had this idea. I had just got a program that my friend gave me. He got me the file and I hated it; like I couldn’t play with this program. At this time my studio was still like 99% analog, and they dropped the computer in my studio and just left it. At the time it was Rebirth, and then it has become Reason. It is the software that people use today. So I started playing with this stuff and I’m like ’’shit sounds good, shits sounds real good actually.’’ I started thinking about the kung-fu movie and how good the chicken was. Seriously! No bullshit. This track was really big in 2004-2005.
It’s weird, anything can inspire me. Even talking to you guys, if the conversation goes deep enough; I’m going to go home and think about this conversation. Because I don’t know how to read music but I know how to play music, my inspiration comes from silence. A friend did a project and I caught that concept, making music off site. This is my creative process. Or my ex girlfriend broke up with me and my heart too. Then she said I make my best music when my heart is broken. I think it’s some bullshit but I just took the anger out on the keys. So yes, it comes from anywhere.
What’s your favorite music machine ? And why ?
There’s a lot! One of my favorites is TR 808 and the Fender Rhodes. But anything, I’m like Moïse, I get water from a rock. Another of my favorite drum machines for over 30 years is the TR-909. Just the foot (kick); I got away from the hat head, shit became too repetitious in the House world. But the foot; it’s like brick going through a wall, and I think that’s the essence of House music; bricks going through walls.
Can you tell me your greatest memory on the dancefloor and behind your dj desk ?
My greatest memory on the dance floor would probably be listening to Lil’ Louis in the Bismarck Hotel playing E2-E4. Do you know E2-E4? He had a drum track under, and I was there dancing, jacking to his song. It was amazing. And i Had tears in my eyes, because for me, I was dreaming of the music on E2-E4 with drums under and Martin Luther King screaming on top of it. That shit was spiritual to me. It was amazing to witness that. And this place, on the hills, it can fit 45-100 people, no more than that. Lil Louis had like 6000 people in that. Our parties are crazy, we were the original raves parties. This was in 1985/86 in Chicago. Just imagine nobody fighting, just everyone dancing and jacking to the music. 5000 to 6000 black people no fight? Perfect. Super perfect.
My favorite experience behind the desk was in Tokyo, japan. I just went to the best clubs in the world and I had an amazing experience there. In Chicago as well, during the SummerDance, I played outside at this place. It was a great park with about 6000 people and I played E2-E4, and the drum track under it. Even my friends who came from the suburbs told me they could hear that shit all the way down the subway. And to do that, in front of that type of crowd, in my own city at that time; that was a great thing.
A little word about your gigs at le ZOO tonight ?
As soon as I’m going to change, we are going to have some fun! I always have a good time in Switzerland. This would be my 4th or 5th time maybe. Polaris Festival , in Verbier for my Boiler Room per example; the festival was super great, and they got me some good edibles. It was like a vacation, to go that high in the mountains, seeing people skiing and falling off; it was crazy. But tonight will be my first time in le Zoo I think.
Something else to add ?
Keep supporting this music and help keep it alive. If you produce, put your best foot forward, for the dJS make your best foot forward. Make us look good; because if you don’t look good, we don’t look good.
Interview réalisée par Ines Guillermet
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